I - Débuts du Téléphone Public

(homologué PTT)

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En 1883, le 1er avril, sont mises en service dans le Réseau Téléphonique Public de la ville de Reims (exploité par l’État) les premières Cabines Téléphonique de France, à titre purement expérimental. (D'après les articles parus dans la presse d'époque, elles sont au nombre de 10).

Mais déjà, à cette même période, l'idée d'installer des Cabines Téléphoniques dans Paris, dans plusieurs villes de province et dans les gares de chemins de fer de l’État germe dans l'esprit de M. le Ministre des P & T - Adolphe Cochery...

  • Ainsi, dans la foulée, M. le Ministre des P & T - Adolphe Cochery autorise-t-il, à titre expérimental, l'implantation de nouvelles Cabines Téléphoniques dans les villes de Lille, Roubaix et Tourcoing... Elles seront mises en service dans les mois qui suivent. 
  • En Août 1883, est déjà en service une Cabine Téléphonique à Lille, au Bureau Central des Télégraphes, Place de la République. (Le Réseau Téléphonique lillois est exploité par l’État.)

En 1884, le 31 décembre, paraît au BO P&T n°1 de 1885 un décret qui crée les cabines téléphoniques en France. (Le décret paraîtra ultérieurement au Journal Officiel le 9 janvier 1885.)

  • DÉCRET relatif aux taxes à percevoir pour les correspondances par cabines
    téléphoniques publiques et pour les communications téléphoniques à distance.
  • LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,
    Vu l'article 2 de la loi du 21 mars 1878 ;
    Vu la loi du 5 avril 1878 ;
    Sur le rapport du Ministre des Postes et des Télégraphes,
  • DÉCRÈTE :
    ART. 1. Toute personne peut, à partir des cabines téléphoniques mises par l’État à la disposition du public, correspondre, soit avec une autre personne placée dans une cabine téléphonique de la même ville, soit avec un abonné du réseau.
    La taxe à percevoir pour l'entrée dans les cabines publiques est fixée, par cinq minutes de conversation :

    • - À Paris, à 0F50
    • - Dans toutes les autres localités de France, d'Algérie et de Tunisie, à oF25.
  • ART. 2. Des communications téléphoniques à distance peuvent être mises à la disposition du public.
    Les lignes auxquelles est appliquée cette mesure sont indiquées par décision ministérielle.
  • La taxe à percevoir par cinq minutes de conversation de ville à ville est fixée :
    Pour toute distance inférieure à 1oo kilomètres, à 1 franc.
    Cette taxe peut être réduite à 5o centimes lorsque les deux villes, entre lesquelles l'échange des conversations par téléphone a lieu, ont été classées, par décision du Ministre des Postes et des Télégraphes, comme faisant partie d'un seul et même groupe téléphonique.
  • Les conditions dans lesquelles cette taxe est perçue, soit sur la personne qui demande la communication, soit par moitié sur chacune des deux personnes en correspondance, et, en général, toutes les conditions d'exécution du service sont déterminées par arrêtés du Ministre des Postes et des Télégraphes.
  • Fait à Paris, le 31 décembre 1884.

En 1885, dès le 1er janvier, l’Administration des P & T commence à déployer son propre réseau téléphonique (concurrençant d'ailleurs la Société Générale des Téléphones !) et installe dans Paris les premières Cabines Téléphoniques, qui sont équipées de postes téléphoniques ordinaires, ceux-ci étant uniquement installés dans des bureaux de postes sous la surveillance physique directe des agents de l’administration, ou dans certains hôtels de grand luxe, mais toujours sous le même style de surveillance. Il s’agit donc de lignes téléphoniques ouvertes au public, mais placées sous surveillance permanente…

Le communiqué paraît dans le Journal Officiel du 31 décembre 1884 et les semaines suivantes, annonçant fièrement l'ouverture des premières cabines téléphoniques du pays :

« Des cabines téléphoniques publiques, permettant à toute personne de communiquer soit avec les abonnés du réseau, soit avec toute personne placée dans une autre cabine, seront ouvertes à Paris, à partir du 1er janvier 1885, 

  • - aux bureaux télégraphiques de la Bourse et du Grand Hôtel, et
  • - dans les bureaux de poste et de télégraphe  :
    • - de la rue des Halles, 
    • - du boulevard Malesherbes, près la Madeleine, 
    • - et de la rue de Grenelle (Ministère des P & T).


La taxe des communications échangées par l'intermédiaire de ces cabines est fixée à 50 centimes par 5 minutes de conversation. Un avis ultérieur fera connaître la date de la mise en service de semblables cabines dans d'autres bureaux. »

  • Au 1er Janvier 1885, pour chaque lieu cité dans le décret, une seule Cabine Téléphonique est installée, sauf à la Bourse de Paris où il y en a deux, soit 6 Cabines Téléphoniques au total initial à Paris.
    • Le 3 février 1885, sont mises en service dans Paris un second contingent de Cabines Téléphoniques dans 9 bureaux P & T supplémentaires.
    • Le 25 février 1885, sont mises en service dans Paris un troisième contingent de Cabines Téléphoniques dans 10 bureaux P & T supplémentaires.
    • Le 10 mars 1885, sont mises en service dans Paris un quatrième contingent de Cabines Téléphoniques dans 19 bureaux P & T supplémentaires.
  • Le 15 mars 1885 sont commercialisés en France dans les bureaux de poste, les Tickets de Conversation qui donnent droit d'utiliser les Cabines Téléphoniques des Réseaux de l’État ou des Réseaux de la SGT.
    • Il est donc possible d'en acheter plusieurs à l'avance, ce qui permet à l’État d'encaisser la recette à l'avance et de rationaliser le transfert d'espèces.
  • Le 5 juillet 1885 sont mises en service les premières Cabines Téléphoniques à Marseille (dont le réseau est exploité par la Société Générale des Téléphones). Elles sont implantées dans les lieux suivants :
    • Recette Principale,
    • Bureaux Télégraphiques,
    • Bourse de Marseille,
    • Bureau Central,
    • Cours du Chapitre,
    • Rue de la République.

En 1889, l’Administration des P & T ne renouvelle pas la concession en cours depuis 1879 accordée à la Société Générale de Téléphone, et reprend toute l’activité de téléphonie sous son contrôle absolu et sous son exploitation directe, c'est-à-dire sous le régime du Monopôle.

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Ci-dessous : une Cabine Téléphonique en bois, capitonnée, modèle 1900. Le téléphone intérieur est un modèle 1900 du fabricant D'Arsonval. À noter les accoudoirs de velours pour plus de confort et la tablette pour prendre des notes écrites... Photographies PTT. Coll. C. R-V.

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En 1923, le 15 mars, une convention est signée entre l’Administration des Postes et Télégraphes et la Société Anonyme Française « Le Taxiphone », compagnie pour l’exploitation en France des téléphones automatiques. Cette société, créée pour l'occasion le 11 décembre 1922, sera alors chargée d’exploiter en France le brevet du premier téléphone à prépayement, inventé par le britannique Frederick William Hall.

En 1924, par la Circulaire n°2027 E. Tp. du 4 février, la convention signée en 1923 entre alors en vigueur.

La téléphonie publique est alors  séparée du reste de l'exploitation téléphonique.  La Compagnie Le Taxiphone prend la relève et commence un déploiement intensif de taxiphones à effet Hall à dispositif d'encaissement automatique pour le compte de l’État.

La Compagnie Le Taxiphone sera alors pour de nombreuses décennies le seul fabricant autorisé de ces appareils en France. Elle les revendra à l’Administration à un prix négocié exclusif jusqu'en 1970 .

Elle en assurera seule la maintenance (même si les agents de l'Administration pourront intervenir en urgence pour interchanger des monnayeurs-encaisseurs, qui seront dépannés ultérieurement par la Compagnie Le Taxiphone).

Elle en assurera aussi la gestion (encaissement des jetons) lorsque ces appareils sont installés dans des bâtiments privés (Hôtels, bars) ; la gestion demeurant à l’administration dans le cas où les taxiphones sont installés directement dans ses murs (cas des bureaux de postes).

En Algérie Française, le Gouvernement Général accorde à la Compagnie Le Taxiphone la même exclusivité par le biais d'une convention signée le 27 février 1924.

En 1925,  l'Administration des P&T prépare l'introduction à venir de l'Automatique sur les taxiphones à effet Hall, en faisant rationaliser par la Compagnie Le Taxiphone leur architecture interne, par une structure dite « Monobloc » qui puisse facilement être extraite de l'appareil pour être remplacée rapidement en cas de panne, et également en permettant ultérieurement la pose d'un Cadran d'Appel téléphonique dès lors que l'ouverture du service en Automatique Intégral sera effective. 

Ainsi, un avenant signé le 9 avril 1925 est-il ajouté à la convention du 15 mars 1923 pour mettre en œuvre cette adaptation à venir.

Le décret du 10 octobre ouvre aux abonnés particuliers la possibilité de s'équiper d'appareils Taxiphone sur leur ligne téléphonique, moyennant une redevance trimestrielle spécifique et payable d'avance.

Nota : ce décret du 10 octobre 1925 ne sera édité au Journal Officiel que le 17 juillet 1926.

De surcroît, la date exacte d'autorisation est alors subordonnée à la parution ultérieure d'un règlement.

En 1926, la circulaire n°2253 E. Tp. du 11 octobre 1926 autorise in fine la mise en application du décret du 10 octobre 1925, autorisant la plus large diffusion des taxiphones dans le tissus français.

Tous ces délais et ces procédures assez tarabiscotées avaient pour but :

  • - de laisser le temps à l'Administration de préparer et de moderniser ses équipements techniques disposés dans les centres téléphoniques nécessaires pour le fonctionnement de ces appareils, 
  • - de donner du temps à la Compagnie Le Taxiphone pour monter ses chaînes de fabrication pour faire face à la demande à venir ; la fabrication de ces taxiphones qui restait, tout de même, assez artisanale : les usinages devant être systématiquement rectifiés à la main, et les pièces de châssis devant être appairées par l'homme.

Vers 1930 les premiers taxiphones urbains munis d’un cadran, compatibles avec les premiers réseaux automatiques sont installés en France. Désormais, dans les grandes villes où le réseau urbain est automatisé, l’usager se passe à présent des services des opératrices.

Le principe technique est que pour obtenir la tonalité dans le but de téléphoner à un abonné à l'aide du cadran téléphonique, il faille d’abord introduire au préalable un jeton ou une pièce de monnaie dans l’appareil.

En revanche, ce type de téléphone ne permettait l’encaissement que d’un seul jeton (ou d’une pièce de monnaie) pour chaque conversation établie. Ainsi, les taxiphones à cadran d'appel n’étaient autorisés que pour établir des communications locales ou urbaines, c'est-à-dire dont l’abonné demandé fût situé dans la même circonscription de taxe. (Communications urbaines d’ailleurs facturées sans limite de durée, dans le cas de l'automatique.)

L’utilisation de ces lignes de taxiphones est restreinte par l’Administration aux seules communications urbaines. Il est alors hors de question de pouvoir appeler dans une autre ville via le réseau interurbain.

En 1955, le 6 octobre, la première cabine téléphonique installée sur la voie publique, équipée d'un taxiphone à pièces de monnaie, est inaugurée en France, à Paris, à Saint-Germain-des-prés, par M. le Ministre des PTT - Édouard Bonnefous.

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Ci-dessus : cette cabine téléphonique parisienne, photographiée en Octobre 1955, est une des premières mises en service sur la voie publique en France, si ce n'est la première.

Photographie PTT - Octobre 1955 - Coll. Orange DANP

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Ci-dessus : deux cadres de la Direction des Télécommunications de Paris (intra-muros) présentent de nouvelles cabines téléphoniques publiques tout juste mises en service dans le XIIème arrondissement de Paris.

  • en une quinzaine d'années, les cabines de Paris sont encore identiques aux premières déployées.
  • à gauche : M. Joseph Vadrot, Directeur des Services Commerciaux à la Direction des Télécommunications de Paris (intra-muros).

Photographie PTT - 25 janvier 1971 - Coll. Orange DANP

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Ndlr : l'exactitude de la chronologie des 40 premières années du Téléphone Public a pu être reconstituée avec succès à l'aide d'une part du Journal Officiel et du Bulletin Officiel des P & T, d'autre part de la presse écrite contemporaine à chaque événement, ce qui évite certaines divagations et approximations rédigées bien a postériori que l'on puisse lire çà et là.

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Se reporter à la page relative aux Jetons de taxiphones :

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Histoire de la Publiphonie Française © Claude Rizzo-Vignaud, 25 mai 2023.